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La "santé mentale", le développement personnel et la dictature du bien-être  comme ajournement et peur de vivre

Depuis le temps que je travaille dans le champs de la psychologie, je ne peux que voir le temps passé par nombre de patients à vouloir trouver des solutions plutôt que de donner des espaces au vécu, d'entendre ce qui en nous chahute, bouge, hurle...de rencontrer véritablement tous ces endroits en nous qui témoignent du fait que nous nous sommes sentis menacés ( que nous avons érigé des murs, mis en place des stratégies de survie ) et qui continuent à jouer leur mélodie comme des douleurs souvent inavouées. Pouvons-nous véritablement laisser le vivant se vivre dans un acte d'amour hors les murs de nos restrictions et de nos ambitions personnelles, nous rencontrer intimement dans ces endroits sombres?

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I me semble essentiel de revenir sur ce qui fait le fondement de notre expérience humaine pour ne pas se tromper de chemin. Le mot psychologie vient du latin "psychologia" qui vient de grec ancien "psukhe" ( souffle, Esprit, Âme ) et "logia" ( science, étude, recherche).

Cette étude de l' Âme demande des qualités et une disponibilité intérieure pour l' approfondissement qui ne font pas bon ménage, il me semble, avec le désir d'en finir rapidement avec la souffrance. Notre chemin est donc celui d'une Âme et pas celui d'un personnage en quête de bonheur bon marché. Sachant cela, ne faut-il pas plutôt chercher à se libérer de ce désir de vivre une vie agréable sans épreuves, une vie de "bien être" comme la société actuelle nous la prône, au dos de laquelle règne un sentiment désagréable de passer à côté de l'essentiel ( de l'Essence )?

 

Ne devons-nous pas nous inscrire dans un autre décors et sortir des créneaux du bien être pour tout simplement VIVRE ?Une société qui,de plus en plus, tient un discours "gestionnaire" à propos de la santé mentale des hommes et des femmes qui la constituent et qui a de plus en plus tendance à classer, évaluer et à vouloir gérer le vivant pour "vendre" une sorte de " bonheur sous contrôle", comme le dit le psychiatre Mathieu Bellahsen, ne peut pas offrir de réponse acceptable à nos questionnements intimes, à nos terreurs et à nos doutes. Osons nous l'avouer et sortir de ces injonctions de réussites mal-aimantes.

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Le chemin de vie est un chemin qui ne peut pas être parcouru avec des compréhensions grossières, ni même avec un mode d'emploi tout terrain. Non, il nous faudra accepter à partir de notre cœur ce qui nous est présenté et le vivre avec sagesse. Or il me semble que malheureusement la psychologie moderne ou en tout cas certaines de ses applications thérapeutiques tente de répondre maladroitement et à court terme à l'humain tendu et stressé que nous sommes devenus. Pressé comme un citron par une société du rendement et de l'asservissement à un faux bonheur de façade, cet humain ne prend plus le temps de se pencher sur lui-même, sur ses états d’Âme afin d'en extraire la matière vivante de sa propre vie.

 

Trop souvent, la psychologie et la psychothérapie mettent l'accent sur la compréhension et sur des stratégies pour "s'en sortir" avec l'illusion qu'il y a quelque part un espace de paix à vivre pour le "moi" souffrant. Pourtant à force d'explorer la voie des sages et d'écouter les expériences humaines, je vois l'absurdité de cette croyance que la paix se trouverait en dehors de notre chaos quotidien, une fois que nous aurons tout remis en ordre...

C'est en ceci que je vois de plus en plus cette forme de psychologie comme un ajournement et/ou une voie sans issue. Ajournement car ce qui doit être vu et senti comme refus, blocage...en nous se manifestera inévitablement dans notre vie encore et encore jusqu'à ce que cela ne soit plus vécu comme un problème, et vouloir l'éviter ou travailler dessus pour s'en défaire rapidement ne permet pas à la douleur de se dissoudre, pour cela elle a besoin d'être au contact de l'amour et de l'accueil. Le chemin est long et il faudra l'accepter et le processus de guérison est probablement un processus qui demande humilité et patience. Mieux vaut alors accepter de "se donner" à cette vie avec ce que nous sommes, offrir nos caractéristiques humaines au feu de la conscience, permettre à l'intelligence de la vie d’œuvrer à sa façon à travers nous sans avoir besoin d'en contrôler le rythme ou la direction. En ceci, le chemin s'élargit car il n'est plus seulement celui d'un "moi" qui tente de s'en sortir mais celui d'un Être qui, dans sa pleine mesure explore un chemin mystérieux. A cet endroit, il y a acceptation et aussi jeu, il y a amour et sagesse. Évidemment certains repères sont nécessaires mais ceux de la psychologie du "moi" me semblent trop restreints pour accompagner le chemin initiatique de la vie. L'aspect spirituel doit être reconsidéré et réintégré à l'approche de nos traversés intimes. Certaines formes de psychologie le font. La mystique et les sagesses non duelle, qui mettent en lumière notre nature profonde, peuvent nous permettre de cheminer autrement, à partir de la reconnaissance de l'unité qui est notre véritable nature.

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 La psychologie, si elle veut avoir une réelle amplitude en tant qu'étude de l’Âme humaine, devrait chercher non plus seulement à comprendre, interpréter pour aider le "moi" à se vivre mais aussi et surtout à permettre un retour vers le Soi, notre nature inaltérable tout en accompagnant la déconstruction graduelle et profonde des stratégies de protection et les refus intériorisés qui bloquent le flux de la vie qui y sont liées.

 

Redonner de l'espace et du temps pour appréhender directement notre "moi" resserré et y amener de la lucidité et de la présence me semble la seule façon de ne pas se laisser enfermer encore et encore dans des fausses identités, déterminismes, regards et exigences extérieures et intérieurs (ceux que nous avons introjectées ).

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Le chemin de vie est solitaire et parfois difficile mais il reste une aventure à vivre qui sollicite en nous courage et verticalité, écoute et engagement. Il peut alors devenir voie d'épanouissement.                            

                                                                      

29/09/2022

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